10/5/2023
 DANS 
SOCIÉTÉ

Couples : smartphones sous surveillance

Enquête diffusée en mai 2023

Intimité numérique : 4 Français sur 10 ont déjà surveillé le smartphone de leur partenaire

 

Échanges, photos, agendas, applications, notifications diverses et variées… Les smartphones, que nous sommes en France plus de 9 sur 10 à posséder, contiennent de multiples éléments relatifs à notre vie privée.

En cas de doute ou à de simples fins de vérifications, il est tentant d’aller jeter un œil dans le téléphone portable de la personne avec laquelle on partage sa vie. Cette violation de l’intimité numérique, 40% des Français l’ont pratiquée, certains une seule fois, d’autres plus régulièrement.

Comme le montre l’étude confiée à l’IFOP par Flashs et Le Journal du Geek, les jeunes générations sont les plus susceptibles d’en être les auteurs comme les victimes. De la consultation de messages privés jusqu’à la confiscation de l’appareil, les entorses au respect de la vie privée sont nombreuses et génératrices de tensions.

Elles témoignent dans certains cas d’une réalité particulièrement sombre : les personnes qui subissent des violences physiques et/ou psychologiques de la part de leur partenaire sont aussi sont plus nombreuses à être victimes de cette forme d’espionnage.

 

Une pratique jeune et féminine

Si un peu moins de la moitié des personnes en couple y a déjà eu recours, l’espionnage du smartphone de son partenaire est une pratique courante chez les plus jeunes, notamment les femmes.

  • 4 Français sur 10 indiquent avoir déjà fouillé dans le portable de leur conjoint(e) et 1 sur 4 dit le faire actuellement, que ce soit de temps en temps ou régulièrement.
  • Les femmes (44%) sont plus nombreuses que les hommes (35%) à l’avoir fait au cours de leur vie.
  • Le snooping est particulièrement répandu chez les moins de 35 ans puisque 67% des femmes et 56% des hommes appartenant à cette tranche d’âge y ont succombé.

Messages privés et réseaux sociaux

Affaire de génération, les moins de 25 ans scrutent avant tout les personnes en relation avec leur partenaire sur les réseaux sociaux quand l’ensemble de la population cherche en premier lieu à percer le secret des messages privés.

  • 60% des femmes âgées de moins de 25 ans (contre 42% des hommes) disent qu’elles regardent d’abord qui suit leur partenaire ou est suivi par lui sur les réseaux sociaux.
  • Plus du quart (28%) des Français ont déjà consulté à son insu les messages privés de la personne avec laquelle ils étaient ou sont en couple. Cet espionnage via les messageries est un phénomène plus féminin (32%) que masculin (23%).
  • Globalement, 54% des femmes et 49% des femmes ont déjà utilisé ou pensé à utiliser l’une ou l’autre des formes d’espionnage qui leur ont été soumises. Une proportion qui grimpe chez les moins de 25 ans à 86% chez les femmes et 76% chez les hommes.

35% découvrent que leur partenaire leur ment

Quand on cherche, on trouve ? C’est effectivement vrai dans un nombre non négligeable de cas qui vont du mensonge à l’infidélité en passant par le visionnage de sites pornographiques ou la médisance.

  • La moitié (50%) de celles et ceux qui ont espionné le smartphone de leur partenaire indiquent y avoir découvert quelque chose dont ils n’avaient pas connaissance.
  • Le mensonge arrive en tête des citations (35%), suivi par des conversations ambigües ou empreintes de séduction (29%) et le maintien d’une relation avec un/une ex-partenaire (21%). Et près d’1 personne sur 5 (19%) a trouvé à cette occasion les signes ou les preuves d’une infidélité.
  • Si les femmes découvrent plus fréquemment que leur conjoint consulte des sites pornographiques (22% contre 14%), les hommes sont en revanche plus nombreux à apprendre que leur partenaire a dépensé de l’argent sans qu’ils le sachent (22% contre 13%) ou qu’ils sont dénigrés auprès de proches (16% contre 13%).

Près de 6 jeunes sur 10 ont déjà été espionnés

Parce qu’il est aujourd’hui un élément incontournable de leur vie sociale, parce qu’il recèle nombre d’informations liées à leur intimité, les plus jeunes sont également les plus exposés au snooping de leur smartphone.

  • Quand 41% des personnes interrogées déclarent, à parts quasi égales entre femmes et hommes, avoir déjà été espionnées par le biais de leur téléphone portable, les chiffres s’affolent dès lors que l’on met le focus sur les plus jeunes : 66% des hommes et 52% des femmes de moins de 25 ans disent en avoir été victimes.
  • Si le fait d’installer un système de géolocalisation à l’insu de son partenaire reste heureusement marginal - 21% des hommes de moins de 25 ans indiquent néanmoins que cela leur est arrivé -, un quart des répondants (24%) a déjà constaté que la personne avec laquelle ils vivaient possédait leurs codes d’accès sans qu’ils le sachent.

Intimité numérique sous tensions

Exiger de son partenaire qu’il livre des informations contenues dans son smartphone et aller jusqu’à le lui confisquer concerne, là aussi, bien plus les jeunes générations que leurs aînés. Des situations sujettes à tensions au sein des couples concernés.

  • Les chiffres sont édifiants : 56% des moins de 25 ans - singulièrement les hommes - ont vu leur partenaire ne pas respecter leur intimité numérique à divers titres, une proportion deux fois plus élevée que pour l’ensemble des personnes interrogées (26%).
  • Ainsi, 4 hommes de moins de 25 ans sur 10 (40% contre 23% chez les femmes de la même tranche d’âge)  ont été sollicités par leur partenaire afin qu’ils lui donnent accès à leur téléphone et plus d’1 sur 5 (21% contre 9% chez les femmes) a fait l’objet d’une confiscation de l’appareil.
  • Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que des tensions et des disputes pouvant aller jusqu’à la rupture se fassent jour. 22% des Françaises et des Français en font état (38% chez les moins de 25 ans), 28% des hommes de moins de 25 ans indiquant même avoir rompu à cause d’entorses à leur intimité numérique.

Plus de victimes de snooping chez les victimes de violences

En croisant les chiffres de personnes ayant subi un espionnage de la part de leur partenaire et ceux des répondants ayant été victimes de violences psychologiques et/ou physiques, l’IFOP met en lumière une corrélation inquiétante.

  • Il s’avère par exemple que plus du tiers (35%) de celles et ceux déclarant avoir été victimes de violences physiques de la part de leur partenaire ont déjà fait l’objet d’une confiscation de leur smartphone, une situation vécue par seulement 4% des personnes n’ayant jamais subi de violences de ce type.
  • De même, quand 27% des sondés n’ayant pas été victimes de violences physiques indiquent que leur partenaire a déjà fouillé dans leur téléphone portable, la proportion monte à 52% chez les victimes de telles violences.

Le point de vue de Louise Jussian, chargée d’études senior au pôle Politique/Actualités de l’IFOP

« La consultation du téléphone portable à l’insu de sa ou son partenaire - 4 Français sur 10 l’ont déjà fait - est une pratique qui est à la fois courante chez les jeunes et très genrée. En effet, près de 7 jeunes femmes sur 10 âgées de moins de 35 ans disent avoir déjà été dans ce cas. Il apparait clairement que le snooping est un phénomène générationnel intimement lié à l’importance qu’ont pris les smartphones dans la vie quotidienne des jeunes, outil de communication indispensable qui contient l’essentiel – photos, messages, réseaux sociaux… - de leur vie intime. Les messages privés sont ainsi ceux qui sont les plus regardés à l’insu de l’autre.  C’est une pratique qui est corrélée au type de relation : les personnes en couple qui ne cohabitent pas sont plus nombreuses à chercher par ce biais l’éventuelle confirmation que leur partenaire leur cache quelque chose. Cet espionnage donne d’ailleurs des résultats : la moitié de celles et ceux qui s’y sont livrés disent avoir découvert que leur partenaire leur mentait ou les avait trompés. 

Mais au-delà de ces données générales pointe une réalité plus inquiétante. Comme le montre cette étude, les entorses à l’intimité numérique peuvent aussi être symptomatiques d’une violence ou d’une emprise au sein des couples. On constate que les personnes ayant été victimes de violences physiques et/ou psychologiques de la part de leur partenaire sont également beaucoup plus nombreuses à avoir subi une intrusion à leur insu dans leur téléphone, de même que celui-ci a pu leur être confisqué. On voit bien que le smartphone de l’autre est non seulement un objet de curiosité et de suspicion, mais aussi un moyen de chantage et d’isolement. » 

Étude IFOP pour Le Journal Du Geek réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 17 avril 2023 auprès d’un échantillon de 2 006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dont 1376 personnes en couple.