12/2/2023
 DANS 
SOCIÉTÉ

Les Américains et les Français à l'heure d'Emily in Paris

Étude diffusée en février 2023

Le regard des Américains sur les Frenchies et Paris au prisme d’Emily in Paris

Véritable phénomène planétaire - elle est entrée dans le Top 10 Netflix de 93 pays à travers le monde -, la série Emily in Paris séduit autant qu’elle agace. En France, elle est particulièrement moquée, y compris par nombre d’expatriés américains, pour l’image décalée qu’elle offre des aventures de la jeune Emily Cooper dans un Paris de carte postale, très éloigné du quotidien de ses habitants. 

Alors que la troisième saison bat son plein, Flashs et le site de voyages Bonjour New-York ont demandé à l’Ifop d’interroger plus de 1 100 Américains sur leur vision de la France et des Français, en prenant soin de distinguer les fans de la série pour vérifier son impact dans la perception qu’ils ont de notre pays et de sa capitale.

Les principaux résultats de cette enquête montrent que la cote de popularité des Français et l’attractivité de notre pays sont au plus haut depuis 20 ans outre-Atlantique, notamment auprès des aficionados d’Emily in Paris. S’ils nous voient moins râleurs et grévistes qu’on aurait pu le penser, les Américains adhèrent à l’image fantasmée de la Ville Lumière qu’ils considèrent très majoritairement comme le reflet de la réalité

La popularité des Français au beau fixe outre-Atlantique

Malmenée durant la 2e Guerre du Golfe et le refus de la France de s’engager militairement aux côtés des États-Unis, la côte de popularité des Français a spectaculairement progressé au cours des 15 dernières années.


  • La proportion d’Américains qui ont une bonne image des Français a presque doublé depuis 2007, passant de 39% à 73%.
  • C’est particulièrement vrai pour les répondants les plus diplômés (86%), les plus riches (80% chez ceux gagnant plus de 100 000 $) et surtout chez ceux qui ont visité notre pays ces dix dernières années (95%), preuve que cette popularité n’est pas que le fruit des productions culturelles.
  • 86% des fans d’Emily in Paris ont une bonne image des Français. Ils sont également les plus nombreux (47%) à en avoir une « très bonne » opinion.
  • Cette popularité se confirme dans l’envie de travailler ou de vivre en France, elle aussi en forte hausse, ainsi que dans les attractivités comparées de Paris et New-York.
  • Quand à peine 1 Américain sur 5 disait en 2005 qu’il aimerait vivre en France, ils sont aujourd’hui près de 4 sur 10 (36%) à exprimer cette envie.
  • L’effet Emily in Paris joue à plein auprès de ceux qui ont visionné la série : ils sont deux fois plus nombreux (54%) à être attirés par une installation dans notre pays que ceux qui ne l’ont pas vue (25%).
  • Vivre en France séduit notamment les électeurs démocrates (48% contre 28% des Républicains), les plus diplômés (46%) et les personnes se définissant comme très progressistes (55%).
  • Quand on les interroge sur leurs envies de séjours de courte, moyenne ou longue durée à Paris et à New-York, les non-New-Yorkais privilégient la capitale française dans les deux premiers cas (44% aimeraient passer une année à Paris et 41% à New-York par exemple) et répondent à parts égales (29%) pour vivre définitivement dans l’une ou l’autre des deux villes.

Les clichés sur les Français n’ont pas tous la vie dure

Râleurs, paresseux et malodorants les Français ? Non, disent majoritairement les Américains qui nous perçoivent comme bons vivants, romantiques et raffinés… adeptes de longues pauses déjeuner et fumant au bureau !

  • Plutôt partagés sur notre propension à la prétention (un tiers le pense, un tiers ne le pense pas et un tiers ne sait pas), les Américains rejettent en revanche les clichés négatifs que l’on imagine collés à notre image. Ils nous estiment en effet largement plus cultivés (54%), raffinés (57%) et accueillants (53%) qu’indisciplinés (17%) ou paresseux (13%).   
  • Bien au fait des règles françaises régissant les congés payés (77% de ceux ayant exprimé une opinion savent que nous bénéficions d’au moins 5 semaines de congés annuels), les Américains ne nous voient pas comme un peuple d’irréductibles grévistes rétifs au travail. À peine 4 sur 10 pensent que les grèves sont courantes et 1 sur 4 que nous ne sommes pas très travailleurs. En revanche, plus des 2/3 nous imaginent prenant de longues pauses déjeuner au restaurant avant de retourner au bureau où, pour la moitié des personnes interrogées et s’étant exprimées, le tabac a encore droit de cité.
  • En matière de relations amoureuses, la série Emily in Paris renvoie assurément des Français.e.s l’image d’un peuple libéré, adepte des aventures sans lendemain. Les fans de la série sont ainsi 66% à penser que femmes et hommes ont facilement un rapport sexuel le premier soir contre 42% chez qui n’ont pas vu la série. 
  • Et si nous sommes perçus comme romantiques par 71% des répondants ayant une opinion sur le sujet, la lourde insistance des hommes qui souhaitent une relation sexuelle est considérée comme avérée par 56% des personnes interrogées. Quant au fait qu’une femme puisse fréquenter un homme plus jeune, il est perçu comme « fréquent » en France par 62% des Américains s’étant exprimés. L’effet de notre couple présidentiel ?


Emily in Paris, c’est pour de vrai ?

Depuis sa sortie sur Netflix, la série Emily in Paris suscite de nombreuses critiques et moqueries en France au regard de l’image proprette et aseptisée qu’elle donne de Paris. Les Américains sont-ils dupes du décor de carte postale qui entoure la fiction ? Majoritairement oui, même s’ils restent dubitatifs sur certains aspects.

  • Les Parisiens s’en étrangleront certainement, mais une large majorité d’Américains pensent que la capitale est une ville propre. Parmi ceux qui ont donné leur opinion, plus des 2/3 (67%) en sont persuadés, en premier lieu ceux qui ont regardé Emily in Paris (78%).
  • Ces derniers sont également les plus nombreux à imaginer la Ville Lumière exempte de rats (53% contre 35%) ou encore à croire que l’on n'y trouve pas de personnes sans domicile fixe dormant dans les rues (46% contre 30%).
  • Quoi qu’il en soit, ce message d’un Paris idéalisé et fantasmé est puissant puisque aux yeux de plus de 8 Américains sur 10 (83%) ayant donné leur avis sur la question, la série Emily in Paris renvoie de la capitale française une image proche de la réalité

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités de l'Ifop

"À l’heure où les films et les séries sont devenus de véritables outils de promotion pour les destinations touristiques, la question du rapport à la réalité de ces productions culturelles nous paraît constituer un nouvel élément de débat si on se rappelle que dans le passé, les productions hollywoodiennes (ex : Un Américain à Paris, Irma la douce, Charade…) ne prétendaient pas non plus représenter Paris « telle qu’elle est ». Mais dans les polémiques récurrentes qui surgissent à chaque nouvelle saison d’Emily in Paris, il n’échappera à l’œil du politique le paradoxe existant autour du Paris d’Emily : cette série n’ayant pas le même attrait chez les progressistes de part et d’autre de l’Atlantique.

Car aux États-Unis, c’est dans les noyaux électoraux de la gauche démocrate (ex : jeunes, femmes, diplômés, CSP+, citadins, noirs, progressistes, écologistes, féministes) que l’on trouve le plus de fans de la série et de personnes souhaitant vivre à Paris. Pour toute une partie de la gauche américaine, la France, ses mœurs et son modèle social – symbolisé par la phrase « Vous vivez pour travailler. Nous travaillons pour vivre » (saison 1) – apparaissent sans doute comme un « paradis progressiste » un peu comme ce que Cuba fut un temps pour une certaine gauche soixante-huitarde ou Moscou pour la gauche communiste. À l’inverse, à Paris, la gauche municipale ne cache pas son aversion envers une série qu’elle présente comme un outil de « propagande conservatrice » qui met en exergue les beaux quartiers parisiens et les appartements haussmanniens.

Alors, le Paris d’Emily, paradis progressiste pour la gauche américaine et conservateur pour la gauche française ? Dans tous les cas, on voit bien que le « choc des cultures » sur lequel joue cette série n’est pas qu’un artifice de scénario : il met bien en exergue le fossé culturel existant entre les deux sociétés, y compris entre ceux qui partagent une sensibilité progressiste… "

Enquête réalisée par l’Ifop pour Bonjour New-York du 18 au 20 janvier 2023 par questionnaire auto-administré auprès de 1 113 personnes représentatives de la population américaine âgée de 18 ans et plus.

Photo : David Henry