29/6/2023
 DANS 
SOCIÉTÉ

Les Français.es fâchés avec l'orthographe ?

Étude diffusée en juin 2023

Orthographe : les Français.es à niveau ?

À intervalles réguliers, l’information fait les gros titres de l’actualité : le niveau en orthographe des jeunes Français baisse inexorablement. En janvier dernier, le constat venait du ministre de l’Éducation en personne qui dévoilait les résultats de la même dictée soumise à des élèves de CM2 en 1987 et en 2022. Les plus jeunes avaient fait deux fois plus fautes que leurs aînés 35 ans auparavant.

Cette situation, nos compatriotes en ont très majoritairement conscience, ainsi qu’en témoignent les résultats de l’enquête conduite par l’IFOP à la demande de l’agence spécialisée en data Flashs et du correcteur orthographique Merci-App.com

Une lucidité qu’ils n’appliquent pas vraiment à eux-mêmes puisqu’ils sont largement convaincus de disposer de bonnes, voire très bonnes, aptitudes pour déjouer les pièges tendus par la conjugaison, la grammaire et autre syntaxe. Or, à peine plus de la moitié affiche un niveau convenable au test d’une vingtaine de phrases qui leur a été proposé lors de cette étude, avec de nettes différences selon l’âge des répondants.

Qu’ils écrivent ou qu’ils lisent, les Françaises et les Français sont très attachés au respect des règles, quand bien même ces dernières ont pu leur causer quelques problèmes, notamment dans le monde du travail. Un attachement au patrimoine linguistique qui explique leur sentiment, largement partagé, que la dégradation du niveau général en français représente une réelle menace pour la pratique de notre langue.

Les Français.es et leur niveau en orthographe

Un haut degré de confiance en leurs capacités

Les Français.es ont une haute opinion de leurs capacités à éviter les fautes d’orthographe. 85% estiment en effet avoir un bon niveau (dont 20% un très bon niveau).

Les femmes (90% contre 81% chez les hommes), les cadres (89%) et les plus de 65 ans (96%) se montrent les plus sûrs d’eux, les ouvriers sensiblement moins (73%).

Une réalité plus contrastée

Soumises à une dictée sans pièges notables, les personnes interrogées par l’IFOP affichent des résultats moins bons que ne le laisse supposer leur assurance. Moins de 6 sur 10 (58%) obtiennent a minima la note de 12/20 à ce test, la moyenne générale s’élevant à 13,3/20.

Si 78% des seniors de plus de 65 ans obtiennent au moins 12/20, 4 jeunes sur 10 (41%) âgés de 15 à 24 ans y parviennent.

Les femmes réussissent mieux l’exercice que les hommes. Elles sont 62% à afficher un niveau convenable contre 53% parmi la gent masculine.

Les cadres (75% ont 12/20 et plus) s’en sortent également beaucoup mieux que les ouvriers (26% atteignent ou franchissent cette barre).

Cours de langue et correcteurs orthographiques

Pour éviter les embûches de la langue française, nos compatriotes délaissent désormais largement le dictionnaire imprimé qu’ils ne sont plus que 12% à considérer efficace.

Près de la moitié (48%) lui préfère les cours de français et 30% placent leur confiance dans les correcteurs orthographiques.

Les personnes se disant le moins à l’aise avec l’orthographe sont aussi celles qui croient le plus en l’efficacité des correcteurs orthographiques (42%).

Le rapport des Français.es à l’orthographe : entre distinction et stigmatisation

Un attachement massif aux règles

Même si elles leur posent des difficultés, les Français.es plébiscitent le respect des règles sur lesquelles s’est construite notre langue. Ainsi, plus de 9 sur 10 (93%) prêtent une attention particulière à l’orthographe lorsqu’ils écrivent et plus de 8 sur 10 (88%) y sont sensibles lorsqu’ils lisent.

Anxiété et remarques au travail

Un attachement fort qui n’est pas toujours récompensé au regard des problèmes que peut générer une orthographe mal maîtrisée. Un quart (26%) des personnes interrogées a déjà vécu des moments anxiogènes pour cette raison au travail et 22% ont été la cible de remarques à cause de leurs fautes.

Certaines et certaines (16% le disent) ont également vu leur évolution professionnelle freinée quand d’autres (14%) ont dû renoncer à des études ou un métier qui les attiraient.

La sphère sentimentale touchée aussi

Maltraiter l’orthographe quand on écrit un mot doux n’est pas sans conséquences aux yeux de 4 Français.es sur 10 (40%) qui y voient un « tue-l’amour ». D’ailleurs, 9% des répondants indiquent que leurs fautes ont été un problème dans leurs relations amoureuses.  

S’ils sont moins à l’aise à l’écrit que leurs aînés, les plus jeunes sont pour autant plus nombreux (53% chez les 15-34 ans contre 32% chez le plus de 65 ans) à considérer qu’une conjugaison ratée ou un accord hasardeux est de nature à rompre le charme.

Les fautes d’orthographe et leurs conséquences

Niveau en baisse, enseignement remis en cause

Les Français.es en sont majoritairement convaincus (62% le pensent), le niveau en orthographe est en chute dans notre pays. Seuls les 15-24 ans, encore à l’école ou l’ayant quittée depuis peu, sont plus optimistes, moins de la moitié (47%) partageant cette opinion.

De même, les jeunes sont plus indulgents sur les performances du système éducatif dans ce domaine : seuls 28% des 15-24 ans estiment qu’il est défaillant contre 45% chez les 35-64 ans et 58% chez les plus de 65 ans.

Preuve de l’importance sociale qui lui est accordée et de l’image qu’elle renvoie, l’orthographe est considérée par 1 Français.es sur 3 (32%) comme vecteur d’inégalité selon que l'on en maîtrise les règles ou non.

Des craintes pour la langue française

Très largement conscients de la dégradation du niveau en français, nos compatriotes estiment plus largement encore que ce phénomène représente une menace pour notre langue. 91% sont d’accord avec cette affirmation, et près de la moitié (45%) disent en être tout à fait certains.

Des résultats qu’il convient toutefois de nuancer selon l’âge des répondants : si 54% des 65 ans et plus sont convaincus de cette menace, moins d’un tiers (29%) des 15-24 ans la voient comme telle.

Le point de vue d'Hugo Lasserre, chargé d'études à l'IFOP

« Alors qu’une large majorité de Français estime avoir une bonne maîtrise de l’orthographe, notamment chez les cadres, on constate dans les faits qu’ils surestiment leur niveau. Pour preuve, ils ne sont que 58% à obtenir une note supérieure à 12/20 à la dictée que leur a soumis l’IFOP, à partir de phrases basiques et sans piège majeur. Les résultats indiquent également un décalage certain entre générations : quand huit seniors de plus de 65 ans sur dix obtiennent a minima 12/20, moins d’un jeune sur deux seulement y parvient.

Qu’ils aient ou non un bon niveau, les Français sont très sensibles à ce qu’ils lisent et à ce qu’ils écrivent. C’est le reflet d’un patrimoine culturel partagé, d’une vraie valeur sociétale. Ceci explique pourquoi la faute d’orthographe est génératrice de sanction, dans la vie professionnelle comme dans la vie personnelle, y compris dans la sphère intime où elle est considérée comme un « tue-l’amour ». Et l’aversion pour les fautes d’orthographe, comme en témoignent les différences d’appréciation entre cadres et ouvriers par exemple, apparaît comme un puissant facteur de distinction sociale.

Alors qu’une récente enquête de la DEPP (Direction de l'évaluation, de la perspective et de la performance) diffusée fin 2022 par le ministère de l'Éducation, a montré que les élèves de CM2 font environ neuf fautes d'orthographe de plus que ceux de 1987, les Français pointent logiquement du doigt les lacunes du système scolaire. La moitié d’entre eux considère qu’il est peu performant, une tendance beaucoup plus forte chez les seniors que chez les jeunes. »

La dictée corrigée

Étude IFOP pour MerciApp.com réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 1ᵉʳ au 6 juin 2023 auprès d’un échantillon de 1006 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.