Enquête diffusée en octobre 2022
Seuls quelques pays dans le monde – le Japon, la Zambie, Taïwan ou encore l’Indonésie - ont inscrit dans la loi la possibilité pour les femmes de bénéficier d’un congé menstruel dans le cadre de leur travail. L’Espagne, où un projet de loi a été déposé en ce sens en mai dernier, fait figure de pionnière sur le continent européen. En France, très rares sont les entreprises ayant pris une telle initiative.
Large approbation des salariées françaises
Comme le montre clairement l’enquête réalisée par l’IFOP pour le fabricant de culottes menstruelles Eve-And-Co, l’idée d’instaurer un congé menstruel en France rencontre l’approbation d’une large majorité de salariées, dont un nombre important subit chaque mois des règles douloureuses. Une attente d’autant plus forte que le sujet des règles reste difficile à aborder au sein de l’entreprise quand il ne suscite pas moqueries et remarques désobligeantes.
Néanmoins, et quand bien même elles voient d’un œil positif les entreprises qui le mettraient en place, les salariées interrogées par l’IFOP redoutent que le congé menstruel constitue un frein à l’embauche des femmes, un obstacle à leur évolution professionnelle et une remise en cause de leur honnêteté si elles y avaient recours.
Les chiffres clés de l’étude
66% des salariées sont favorables au congé menstruel en entreprise et 64% des femmes concernées pourraient y avoir recours
82% des salariées pensent que le congé menstruel pourrait être un frein à l’embauche ou à l’évolution des femmes
53% des salariées ont des règles douloureuses
35% déclarent que leurs douleurs menstruelles impactent négativement leur travail
65% des femmes en activité salariée ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail
Une salariée menstruée sur cinq a déjà fait l’objet de moqueries ou de remarques désobligeantes
Le point de vue de Louise Jussian, chargée d’études au pôle « Politique / Actualités » de l’IFOP
"Si l’instauration du congé menstruel en entreprise séduit aussi largement les salariées, c’est parce qu’il répond à un vrai besoin mis en exergue par cette étude. Ce congé est considéré comme une solution qui peut compenser les moments de faiblesse et les réelles difficultés liés aux menstruations, notamment par celles qui sont, ou ont été, victimes de moqueries, ainsi que par les femmes dont les règles sont très douloureuses. Néanmoins, il s’agit là d’un sujet dont il reste compliqué de parler au travail, particulièrement avec des collègues ou des supérieurs hiérarchiques masculins. À cette « invisibilité » de la question des règles au travail s’ajoute la crainte puissante que l’utilisation du congé menstruel donne lieu à des suspicions, à des moqueries, voire constitue un frein pour la carrière professionnelle des femmes, qu’il s’agisse de leur recrutement ou de leur évolution dans l’entreprise. Face à ce sentiment qu’ont les femmes d’une société pas encore prête à accepter sans préjugés le congé menstruel, l’instauration d’une telle mesure doit à l’évidence s’accompagner d’une libération de la parole visant à briser le tabou des règles et d’une phase de pédagogie auprès de l’ensemble des salarié(e)s et de leurs dirigeants."
Sur le même thème, vous pouvez consulter les résultats des études consacrées à la précarité menstruelle chez les Françaises et plus particulièrement la précarité menstruelle chez les étudiantes.
Cette enquête a fait l'objet de 44 reprises par les médias. Parmi ceux-ci :
Une large adhésion au congé menstruel, mais des craintes quant à ses conséquences
Si les deux tiers des salariées sont favorables à la mise en place d’un congé menstruel au sein des entreprises, mesure qui rendrait ces dernières plus attrayantes à leurs yeux, elles sont nombreuses à redouter les répercussions d’une telle obligation qu’elles voient comme un frein potentiel à l’embauche des femmes et à leur évolution.
66% des salariées interrogées par l’IFOP (et 92% de celles qui ont subi des moqueries et remarques) se déclarent favorables à la mise en place d’un congé menstruel dans leur univers professionnel.
Près des deux tiers des femmes concernées (64%) seraient susceptibles d’y avoir recours.
Parmi les femmes qui disent qu’elles n’auraient pas recours au congé menstruel, 53% expliquent qu’elles craignent qu’on ne les croit pas ou qu’on les considère comme paresseuses.
39% y renonceraient par peur du regard des autres, qu’il s’agisse de leurs collègues, leurs managers ou leurs clients et fournisseurs.
Une très forte majorité des salariées redoutent les conséquences éventuelles que pourrait avoir l’instauration d’un congé menstruel sur leur carrière. Elles sont ainsi 71% à considérer qu’il constituerait un frein à l’embauche des femmes, 70% un obstacle à leur prise de responsabilités et 66% un sujet de moqueries et de remarques désobligeantes.
En dépit de ces réticences, elles sont 66% à dire qu’une entreprise proposant le congé menstruel serait à leurs yeux plus attrayante, appréciation significativement plus forte chez les plus jeunes : 76% chez les femmes âgées de 15 à 34 ans.
Plusieurs millions de femmes en France voient leur travail impacté par leurs règles
La France compte près de 14,5 millions de femmes actives, dont plus de la moitié indiquent dans l’enquête menée par l’IFOP que leurs règles sont douloureuses, et 35% qu’elles ont un impact négatif sur leur travail. Celles qui travaillent dans le bâtiment et l’industrie sont les plus nombreuses à avoir été victimes de remarques ou de moqueries liées à leurs règles.
53% des salariées interrogées indiquent subir des règles douloureuses, 16% disant qu’elles sont « très douloureuses ». Une douleur qui affecte notamment les plus jeunes, 63% des 18-34 ans expliquant être dans ce cas contre 47% chez les 35-49 ans et 31% chez les plus de 50 ans.
Plus des 2/3 des salariées (35%) jugent que leurs règles ont un impact négatif sur leur travail. Une proportion qui monte à 85% chez celles dont les règles sont très douloureuses.
65% des femmes interrogées ont rencontré au moins une difficulté liée à leurs règles dans le cadre professionnel.
Elles sont ainsi 48% à avoir eu des problèmes de concentration, 44% à peiner à se tenir debout ou encore 38% à avoir rencontré des difficultés pour accéder aux toilettes afin de changer leur protection hygiénique.
Les femmes exerçant des fonctions d’encadrement sont également les plus exposées, 74% d’entre elles faisant état de l’un ou l’autre de ces problèmes.
De nombreuses salariées - 21% - ont déjà été victimes de remarques désobligeantes ou de moqueries liées à leurs règles au sein de leur entreprise. Celles d’entre elles qui travaillent dans des secteurs à forte dominance masculine sont les plus exposées : 37% des salariées de l’industrie et 36% des salariées du bâtiment en ont été la cible.
Un sujet difficile à aborder au sein de l’entreprise
Encore tabou et sujet à moqueries, la question des règles n’est pas de celles que les femmes abordent facilement dans le cadre professionnel, particulièrement vis-à-vis de leurs responsables, qu’ils soient femmes ou hommes.
Plus de la moitié des salariées interrogées (54%) n’ont jamais évoqué leurs règles avec des collègues féminines, mais 32% pourraient le faire.
Si 80% d’entre elles n’en n’ont jamais parlé avec leur manager direct de sexe féminin, plus du tiers (38%) disent que cela leur serait possible.
En revanche, dès lors qu’il s’agit d’aborder le sujet avec un homme, qu’il soit collègue ou manager, la réticence est plus forte. Ainsi, 92% des femmes n’ont jamais parlé de leurs règles avec leur responsable hiérarchique masculin et 72% assurent qu’elles ne pourraient le faire.
Plus du tiers (37%) des femmes interrogées estiment que la gêne relative aux règles est sous-estimée dans leur entreprise contre 59% qui pensent qu’elle est prise en compte à sa juste valeur. La proportion de salariées faisant état d’une sous-estimation est plus forte (45%) lorsque l’équipe à laquelle elles appartiennent est exclusivement masculine.
Le point de vue de Louise Jussian, chargée d’études
au pôle « Politique / Actualités » de l’IFOP
Si l’instauration du congé menstruel en entreprise séduit aussi largement les salariées, c’est parce qu’il répond à un vrai besoin mis en exergue par cette étude.
Ce congé est considéré comme une solution qui peut compenser les moments de faiblesse et les réelles difficultés liés aux menstruations, notamment par celles qui sont, ou ont été, victimes de moqueries, ainsi que par les femmes dont les règles sont très douloureuses.
Néanmoins, il s’agit là d’un sujet dont il reste compliqué de parler au travail, particulièrement avec des collègues ou des supérieurs hiérarchiques masculins.
A cette « invisibilité » de la question des règles au travail s’ajoute la crainte puissante que l’utilisation du congé menstruel donne lieu à des suspicions, à des moqueries, voire constitue un frein pour la carrière professionnelle des femmes, qu’il s’agisse de leur recrutement ou de leur évolution dans l’entreprise.
Face à ce sentiment qu’ont les femmes d’une société pas encore prête à accepter sans préjugés le congé menstruel, l’instauration d’une telle mesure doit à l’évidence s’accompagner d’une libération de la parole visant à briser le tabou des règles et d’une phase de pédagogie auprès de l’ensemble des salarié(e)s et de leurs dirigeants.
L'analyse complète de cette étude est disponible sur le site d'EVE AND CO
Photo couverture : Sora Shimazaki