Étude diffusée en juin 2023
Au restaurant, les stéréotypes de genre passent à table
Présents dans la vie quotidienne, notamment lorsqu’il s’agit des tâches ménagères et domestiques, les stéréotypes de genre s’invitent également au restaurant.
Qu’il s’agisse des rôles assignés lors du premier rendez-vous ou dans une pratique plus courante au sein des couples, l’étude menée sur ce sujet par l’IFOP à la demande de FLASHS et de Zenchef montre qu’un certain nombre de décisions sont toujours considérées comme relevant plus de l’homme que de la femme.
En revanche, et comme c’est le cas à la maison, les femmes prennent davantage en charge les enfants lorsqu’ils accompagnent le couple, quand bien même, et comme pour les vacances par exemple, aller au restaurant devrait être une parenthèse reposante.
Comme le souligne Thomas Pierre, chargé d’études à l’IFOP, « Alors que les hommes s’attribuent le plus souvent les tâches peu contraignantes et nécessitant une pseudo expertise (comme le choix du vin), les femmes continuent d’être dans le travail du care en s’occupant des enfants. »
Réservation et addition au masculin lors du premier rendez-vous
Pour 6 Français.es sur 10 (60%), il revient à l’homme de proposer et de réserver le restaurant d’un premier dîner à deux. C’est un principe sur lequel 65% des hommes et 56% des femmes s’accordent.
Pris dans leur ensemble, les Françaises et les Français considèrent majoritairement (65%) qu’il est normal que l’homme propose de régler l’addition à l’issue d’un premier tête-à-tête au restaurant. Si là encore les hommes sont plus nombreux à le dire (72%), près de 6 femmes sur 10 (59%) sont également de cet avis.
Hormis les jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans qui sont 60% à trouver cela anormal, l’idée qu’il revient à l’homme de régler la note fait consensus dans toutes les tranches d’âge quel que soit le genre, avec une pointe à plus de 90% chez les hommes âgés de plus de 65 ans.
Dans la pratique, on s’aperçoit que les femmes sont partagées entre se laisser inviter lors d’un premier dîner - 47% le disent - et couper l’addition en deux comme c’est le cas pour 45% des répondantes. Elles ne sont que 8% à payer l’intégralité de la note quand 72% des hommes disent le faire.
Les rôles de genre au restaurant
Qu’un homme ouvre la porte et passe devant une femme en entrant dans un restaurant est une pratique que plus de la moitié (54%) des Français.es considèrent comme étant d’usage. Les femmes (54%) et les hommes (53%) s’accordent sur ce point.
Les plus jeunes sont également les moins nombreux à dire que c’est une attitude à laquelle ils souscrivent. Pour autant, 43% des hommes de 18 à 24 ans et 37% des femmes de cette même tranche d’âge semblent sensibles à ce geste.
Un peu plus du tiers (36%) des Français estiment que le rôle de l’homme est de goûter le vin au restaurant, sans différence notable entre les genres sur cette question.
En pratique, lorsqu’ils sont en couple au restaurant, 42% des Français.es indiquent que l’homme choisit le vin et, dans des proportions approchantes (46% pour les hommes, 43% pour les femmes), qu’il le goûte.
51% des personnes interrogées effectuent autant que leur conjoint.e la réservation avant d’aller au restaurant. Comme le montrent de nombreuses études sur le partage des tâches, les hommes ont souvent tendance à surestimer leur investissement : ils sont ainsi 36% à dire que cela leur revient principalement quand les femmes ne sont que 15% à faire état d’une décision masculine en la matière au sein du couple.
On peut penser que c’est aussi le cas lorsqu’il s’agit de déterminer qui s’occupe des enfants lorsqu’ils accompagnent leurs parents au restaurant. Ainsi, plus des deux tiers (67%) des hommes pensent qu’ils en font autant que leurs conjointes quand ces dernières sont à peine plus de la moitié (54%) à partager ce constat. Et 41% des femmes disent qu’elles gèrent seules les besoins de leur progéniture dans ce cadre.
Le point de vue de l’expert
Lieu apprécié par les couples pour passer un moment ainsi que par celles et ceux dans une phase de séduction, le restaurant n’échappe pas aux stéréotypes de genre. Bien au contraire, des stigmates s’y font jour.
D'abord autour de l'argent, avec des stéréotypes toujours très prégnants, chez les hommes ainsi que chez les femmes : aux hommes de payer, aux femmes de se faire inviter. La persistance de cette répartition des rôles au sein de la population donne à voir comme une dépendance qui s'imposerait aux femmes, une impossibilité pour elles de pouvoir se payer un repas en dehors de chez soi dans un rendez-vous. Le fait de payer apparait en outre comme un outil de pouvoir au sein du couple ou du futur couple, un élément central de la « construction conjugale de la réalité du couple » (Henchoz, 2008).
L’attribution des actions et du pouvoir décisionnel au restaurant et dans le cadre des repas est aussi un marqueur de différences genrées. Alors que les hommes s’attribuent le plus souvent les tâches peu contraignantes et nécessitant une pseudo expertise (comme le choix du vin), les femmes continuent d’être dans le travail du care (Molinier, 2013) en s’occupant par exemple des enfants (leur alimentation, les activités). Encore une fois, les attendus patriarcaux s'appliquent jusqu'à la table, les femmes prenant à leur compte le plus souvent cette charge se situant dans l’aide à autrui.
Thomas Pierre, chargé d’études au pôle Actualités et Politique de l’Ifop.
Étude Ifop pour Zenchef réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 5 au 9 mai 2023 auprès d’un échantillon de 1 525 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.